« Mon ambition ? Accompagner les transformations numérique et sociétale de l’industrie du futur »
« Mon ambition ? Accompagner les transformations numérique et sociétale de l’industrie du futur »
Mireille Hahnschutz est Conseillère Industrie à la CCI Alsace Eurométropole. Forte de son expérience précédente dans le recrutement de ressources humaines, elle accompagne aujourd’hui les industriels dans leurs transformations digitale et sociétale. Elle anime notamment deux communautés de pratique : « Le facteur humain dans l’industrie du futur » et la « Communauté des offreurs de solutions ».
Quel est ton parcours professionnel ?
J’étais responsable de trois agences de travail temporaire (industrie, tertiaire, cadres) et j’ai donc eu la chance d’accompagner mes clients dans leurs problématiques de recrutement. Cette expérience m’a permis d’intégré la Chambre de Commerce et d’Industrie pour piloter l’Observatoire Régional Emploi, Compétences et besoins en formation. Mes missions consistaient pour partie à anticiper les besoins en compétences des entreprises industrielles alsaciennes afin d’aider les acteurs de la formation à adapter leur offre. Par ailleurs, j’accompagnais des entreprises et des territoires dans leur politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Très rapidement, j’ai rejoint la direction Industrie et développement durable de la CCI afin d’accompagner plus largement sur le terrain la transformation des entreprises industrielles.
Quelles sont tes missions aujourd’hui ?
Conseillère d’entreprise, je suis chargée de faciliter la transformation organisationnelle, managériale et technologique des entreprises industrielles. Je m’appuie pour cela sur de nouveaux modèles agiles et flexibles nécessaires à l’intégration des nouvelles technologies.
Comment en es-tu arrivée à mettre en place des communautés de pratique ?
En fait, pour amener les industriels à réfléchir et expérimenter de nouveaux modèles organisationnels, j’ai constitué un premier groupe de travail avec des industriels alsaciens. Parmi eux, Bernard Bloch, qui était à l’époque à EDF, m’a incité à intégré Jean-Philippe Bootz, un enseignant-chercheur expert en management des connaissances et en communautés de pratiques. Sous on influence, notre groupe de travail est très rapidement devenu la première communauté de pratique que j’ai mise en œuvre et que je co-anime.
En quoi cette notion du facteur humain est-elle prépondérante dans l’industrie du futur ?
A l’ère du digital, les industries se transforment et l’intégration de nouvelles technologies bouscule les organisations traditionnelles. Néanmoins, de nombreuses questions restaient en suspens auprès des industriels : Quelles compétences développer demain ? Comment accompagner nos collaborateurs tout au long des transformations, et sans les perdre ? Quelles organisations déployer pour gagner en performance et en flexibilité ? Comment faciliter la capitalisation et le transfert de connaissances ? Autant de questions que j’ai soumises à la Communauté du Facteur Humain pour d’abord partager et challenger des réflexions, puis pour déploiement d’expérimentations. C’est justement en menant des expérimentations que la communauté de savoirs est devenue une communauté de pratique qui s’autogère selon son rythme et ses envies.
Quels ont justement été les travaux des participants ?
Les 15 industriels les plus assidus ont notamment :
- exposé leurs projets et leurs difficultés entre pairs
- proposé ensemble de nouveaux modèles d’organisation et de management pour l’industrie du futur
- accompagné la transformation des entreprises présentes, en partageant leurs pratiques, défis, idées connaissances.
- appris ensemble et partager leurs bonnes pratiques pour résoudre collectivement des problématiques.
- mis en commun leurs expérimentations et constituer un recueil des bonnes pratiques autour du facteur humain
Comment as-tu fait pour transformer les participants en acteurs-décideurs de leur communauté de pratique ?
Pour les premières rencontres, je me suis appuyée sur deux consultants, Florence Rémy et Marcellin Grandjean, qui ont permis au groupe de partager une prise de conscience et une problématique communes, puis de créer un champs d’actions possibles à la main des industriels eux-mêmes. Les participants ont ainsi commencé par définir collectivement leur matrice de performance du facteur humain dans l’industrie du futur. Matrice à partir de laquelle des groupes de travail et de réflexion ont été constitués dans un objectif d’expérimentation. La communauté s’est aguerrie au fil des rencontres dans un climat de confiance propice à l’apprentissage entre pairs.
Y a-t-il des règles pour le bon fonctionnement d’une communauté de pratique ?
Le plus important réside dans le volontariat des participants et leurs désirs de relever un défi individuel et collectif en termes d’apprentissage et de mise en œuvre. Les maîtres-mots sont l’engagement mutuel, l’auto-organisation et la do-ocratie, une organisation dans laquelle les participants se prennent en main : leur pouvoir est à la mesure de ce qu'ils apportent à la communauté et de ce qu’ils décident d’essayer d’accomplir. Ce modèle facilite grandement la prise d’initiative, l’autonomie et l’implication des participants.
Tu as également impulsé la Communauté des offreurs de solutions pour l’industrie du futur ?
Ma première expérience de communauté apprenante m’a conforté dans l’idée que ce modèle d’organisation basé sur l’intelligence collective était vraiment propice à l’expérimentation et à l’open-innovation. La volonté de la Région et de la CCI d’identifier et de mobiliser des offreurs de solutions représentaient une nouvelle opportunité de tester leur appétence pour fonctionner en communauté de pratique. Mais ce n’était pas à moi d’en décider. Nous avons d’abord regroupé une cinquantaine d’offreurs de solutions et très rapidement, nous les avons amenés à se décider pour leur modèle de fonctionnement dès leur troisième rencontre. Ils hésitaient entre un modèle associatif, et un modèle justement de communauté de pratique. Le témoignage et les arguments de Bernard Bloch, participant au titre d’ÉS comme offreur de solutions énergétiques, ont convaincu une majorité d’offreurs à opter pour la do-ocratie, davantage responsabilisant pour chacun des participants. Alors que la communauté sur le facteur humain est plutôt en stand by, car les expérimentations sont plus longues à mettre en œuvre, la communauté des offreurs a quant à elle très vite pris son envol, certainement parce que les participants sont mobilisés par des enjeux business plus court-termistes.
Comment te situes-tu dans la vie de ces communautés qui s’autogère ?
En fait, l’expérience de ces communauté montre qu’il est nécessaire de s’appuyer sur une équipe-cœur qui donne le rythme et maintient une certainement pression sur le collectif pour qu’il reste en mouvement tout en évitant les requestionnements permanents. En tant que conseillère Industrie à la CCI, les membres des deux communautés m’accordent une légitimité qui me permet de tenir ce rôle. Aujourd’hui, j’accompagne la communauté tout en en prenant du recul dans l’animation des séances. Les offreurs m’ont positionné comme garante de l'intégrité de la communauté, et j’assure l'arbitrage dans les échanges.
Et quel constat en tires-tu ?
La do-ocratie est un fondement de cette communauté, l’ensemble des membres s’engagent collectivement à porter la communauté et les retombées économiques sont réelles pour l’ensemble des offreurs de solutions qui s’y impliquent. Des liens de confiance se sont tissés entre eux. Ils ont décidé de se regrouper pour répondre à des appels d’offres. Ils font également bénéficier la communauté de leurs contacts commerciaux.. Les membres, pour certains concurrents, passent outre cette barrière et jouent la carte de leur complémentarité en termes d’offre et d’expertise technologique. D’ailleurs, la communauté a récemment rédigé son manifeste de bonne conduite qui est public. Son bon fonctionnement repose justement sur ces droits et devoirs validés collectivement.
Quel avenir vois-tu pour ce modèle de communautés de pratique ?
Mon expérience au sein de ces deux communautés n’a fait qu’accroître mon intérêt sur ce modèle qui a, pour moi, clairement fait ses preuves. D’autant plus qu’il s’agit d’un modèle autogéré sans financement public.
Au-delà de l’aspect financier c’est la pertinence du modèle en termes d’expérimentations collectives, de projets et de concrétisation de projets qui fait que la communauté se développe et que ses membres investissent du temps et des moyens.
Me concernant, je vais continuer à essaimer mes pratiques et apprentissages et continuer à développer ce modèle. Il favorise l’innovation, le collectif, l’action et le libre-arbitre. De plus, il repositionne la responsabilité de chaque membre sur la base d’un juste retour : « je m’implique, je reçois ». J’en suis devenue une ardente promotrice : une communauté de pratique est vraiment un modèle de collectif apprenant, agile et flexible, qui facilite les transformations sociales, économiques et organisationnelles.
« Une communauté de pratique est vraiment un modèle de collectif apprenant, agile et flexible, qui facilite les transformations sociales, économiques et organisationnelles. »